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Publication d'une lettre pastorale par l'archevêque de Montréal
L'archevêque de Montréal, Mgr Paul Bruchési, Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert, Histoire du Québec contemporain : de la Confédération à la crise (1867-1929), Montréal, Boréal Express, 1979, p.523
Dans sa lettre pastorale «Capital et travail», l'archevêque de Montréal, Monseigneur Paul Bruchési , reconnaît le droit d'association mais dénonce l'action des unions internationales.
Dans cette lettre, l'archevêque écrit «(...) Nos très chers Frères, quelle terrible responsabilité encourent ces meneurs et ces écrivains qui profitent des moindres conflits entre le travail et le capital pour pousser les ouvriers à la haine des patrons, à la discorde et à l'insurrection. Ceux là sont les plus dangeureux ennemis du peuple, dont ils prétendent servir les intérêts. Que notre population ouvrière ne prête pas oreille à leurs suggestions (...) Écoutez plutôt, nos très chers Frères les conseils de l'Église, les avis du Souverain pontif et de vos pasteurs.» Se basant sur l'encyclique Rerum Novarum de Léon XIII qui traite des conditions de travail des ouvriers, Bruchési énumère les devoirs des patrons et les droits des ouvriers. À ses yeux, l'employeur ne doit en aucun cas susciter la provocation en élevant les prix outre mesure et en exploitant ses employés. Pour que règne une harmonie entre ouvrier et patron, ce dernier doit donner satisfaction aux demandes de ceux qui sont sous ses ordres. De plus, les ouvriers ont droit à un salaire adéquat, un horaire raisonnable et au libre droit d'association. Le travail des enfants, des filles et mères de famille est prohibé. «Mais une fois que la satisfaction est donnée aux justes revendications du travail, poursuit Mgr Bruchési, l'ouvrier n'a plus de prétexte sérieux à invoquer pour refuser de remplir ses devoirs à l'égard du patron et de la société. Dans ces conditions de justice et d'apaisement, c'est de la part du travailleur une révolte grave contre les préceptes divins et une désobéissance aux lois naturelles que d'entraver le libre exercice des droits du capital.» Bruchési exprime également sa crainte envers les unions étrangères qui «n'ont rien en commun avec nos positions de tempéraments, avec nos moeurs et nos croyances.» Il condamne le recours à la grève qui entrave «les règles de justice, de propriété, de libertés individuelles et sociales.» Par conséquent, «afin de remédier à ses maux et les prévenir, encore une fois, nous conseillons aux ouvriers de subir leurs conditions patiemment, les yeux tournés vers le ciel, leur future patrie et vers le Sauveur, leur frère et leur modèle.» Peu de temps après la publication de cette lettre, Samuel Gompers, le président de la Fédération américaine du travail (FAT), et John Fleet, du Conseil des métiers et du travail de Montréal (CMTM), répondront publiquement à Mgr Bruchési.
Source : La Presse, 27 avril 1903, p.5.