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Loi concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, et la réparation des dommages qui en résultent

Au tournant du siècle, la responsabilité dans les accidents de travail relève du droit commun. Cela signifie qu'un travailleur doit gagner sa cause devant les tribunaux pour forcer son employeur à lui verser une compensation. En 1906, l'Assemblée législative adopte une loi qui oblige l'employeur à démontrer qu'il n'a pas de responsabilité lorsqu'un accident survient dans son usine. Le Conseil législatif repousse cette loi mais le gouvernement libéral de Lomer Gouin revient à la charge en 1909 et réussit à la faire adopter.

Loi concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, et la réparation des dommages qui en résultent

Lois du Québec (CHAPITRE 66)

(Sanctionnée le 29 mai 1909)
SA MAJESTÉ, de l’avis et du consentement du Conseil législatif et de l’Assemblée législative de Québec, décrète ce qui suit :
SECTION 1

DES INDEMNITÉS

Application de la loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exception.

1. Les accidents survenus par le fait du travail, ou à l’occasion du travail aux ouvriers, apprentis et employés occupés dans l’industrie du bâtiment, dans les usines, manufactures et ateliers, et dans les chantiers de pierre, de bois ou de charbon ; dans les entreprises de transport par terre ou par eau, de chargement ou de déchargement, dans celles de gaz ou d’électricité, de construction, de réparation ou d’entretien de chemins de fer ou tramways, d’aqueducs, d’égouts, de canaux, de digues, de quais, de docks. d’élévateurs et de ponts ; dans les mines, minières, carrières, et, en outre, dans toute exploitation industrielle, dans laquelle sont fabriquées ou mises en œuvre des matières explosives, ou dans laquelle il est fait usage d’une machine mue par une force autre que celle de l’homme ou des animaux, donnent droit, au profit de la victime ou de ses représentants, à une indemnité réglée conformément aux dispositions ci-après.

La présente loi ne s’applique pas à l’industrie agricole ni à la navigation à voile.

Proportions des indemnités ;

 

Incapacité absolue et permanente ;

 

 

Incapacité partielle et permanente ;

 

Incapacité temporaire.

 

Capital des rentes.

2. Dans les cas prévus par l’article 1 de la présente loi, la victime a droit :

a. Pour l’incapacité absolue et permanente, à une rente égale à cinquante pour cent de son salaire annuel, à compter du jour de l’accident ou de celui où, soit par l’accord des parties-, soit par le jugement définitif, il est constaté que l’incapacité, présente le caractère de la permanence ;

b. Pour l’incapacité partielle et permanente, à une rente égale à la moitié de la réduction que l’accident fait subir au salaire ;

c. Pour l’incapacité temporaire, à une indemnité égale à la moitié du salaire journalier touché au moment de l’accident, si l’incapacité de travail a duré plus de sept jours et à partir du huitième jour.

Le capital des rentes ne doit cependant, dans aucun cas sauf celui mentionné à l’article 5, excéder deux mille. piastres.

Indemnité en cas de mort.

 

 

 

Frais de médecin, etc.

 

Mode de paiement de l’indemnité.

 

 

 

 

 

 

Défaut d’accord.

 

Déduction dans certains cas.

3. Lorsque l’accident a causé la mort, l’indemnité comprend une somme égale à quatre fois le salaire moyen annuel du défunt au moment de l’accident, ne devant, dans aucun cas, sauf le cas mentionné à l’article 5, être moindre que mille piastres ni excéder deux mille piastres.

Il est en outre payé une somme n’excédant pas vingt-cinq piastres pour les frais de médecin et de funérailles à moins que la victime ne soit membre d’une association tenue d’y pourvoir et qui y pourvoit.

L’indemnité est payable de la manière suivante :

a. Au conjoint survivant, non divorcé ni séparé de corps, ai moment du décès, pourvu que l’accident ait eu lieu après le mariage ;

b. Aux enfants légitimes ou naturels, reconnus avant l’accident, de manière à pourvoir à leurs besoins jusqu’à l’âge de seize ans révolus ,

c. Aux ascendants dont le défunt était l’unique soutien au moment de l’accident.

A défaut d’accord entre les parties au sujet de la répartition de l’indemnité, elle est faite par le tribunal compétent.

Cependant toute somme payée en vertu de l’article 2 de la présente loi pour le même accident sera déduite de l’indemnité totale.

Résidence au Canada.

4. Un ouvrier étranger ou ses représentants n’ont droit aux sommes et indemnités prévues par la présente loi que si, au moment de l’accident, ils résident au Canada et continuent à y résider pendant le service de la rente. Mais s’ils ne peuvent se prévaloir de la présente loi, le recours de droit commun existe en leur faveur.

Faute intentionnelle de la victime.

 

Faute de l’ouvrier, etc.

5. Aucune indemnité n’est ,accordée dans le cas où l’accident a été intentionnellement provoqué par la victime.

Le tribunal peut diminuer l’indemnité si l’accident est dû à la faute inexcusable de l’ouvrier, ou l’augmenter s’il est dû à la faute inexcusable du patron.

Prise en considération du salaire annuel.

6. Si le salaire annuel de l’ouvrier dépasse six cents piastres, il n’est pris en considération que jusqu’à concurrence de ce montant. Pour le surplus, et jusqu’à mille piastres, il ne donne droit qu’au quart des indemnités susdites. Dans le cas d’un salaire annuel d’au delà de mille piastres la présente loi ne s’applique pas.

Apprentis.

7. Les apprentis sont assimilés aux ouvriers les moins rétribués de l’entreprise.

Base de la fixation des rentes.

 

 

Employés pendant moins de 12 mois.

 

 

 

Si le travail n’est pas continu.

 

8. Le salaire servant de base à la fixation des rentes s’entend, pour l’ouvrier occupé dans l’entreprise pendant les douze mois écoulés avant l’accident, de la rémunération effective qui lui est allouée pendant ce temps, soit en argent, soit en nature.

Pour les ouvriers occupés pendant moins de douze mois avant l’accident. il doit s’entendre de la rémunération effective qu’ils ont reçue, depuis leur entrée dans l’entreprise, augmentée de la rémunération moyenne qu’ont reçue, pendant la période nécessaire pour compléter les douze mois, les ouvriers de la même catégorie.

Si le travail n’est pas continu, le salaire annuel est calculé tant d’après la rémunération reçue pendant la période d’activité. que d’après le gain de l’ouvrier pendant le reste de l’année.

Paiement de l’indemnité.

9. Dès que la permanence de l’incapacité au travail est constatée, ou, en cas de mort de la victime, dans le mois de l’accord entre le chef d’entreprise et les intéressés, et, à défaut d’accord, dans le mois du jugement définitif qui le condamne, le chef d’entreprise doit payer, suivant le cas, au choix de la victime ou de ses représentants, le montant de l’indemnité à la victime ou à ses représentants, ou le capital des rentes à une compagnie d’assurance agréée à cette fin par arrêté du lieutenant-gouverneur en conseil.

Paiement par trimestre.

En cas d’incapacité temporaire.

10. Les rentes créées en vertu de la présente loi sont payables par trimestre.

Les indemnités pour les cas d’incapacité temporaire sont payables aux mêmes époques que les salaires des autres employés, ne devant, en aucun cas, excéder seize jours.

Agrégations des cies d’ass. assumant le service des rentes.

11. Le lieutenant-gouverneur en conseil détermine les conditions de I’agrégation des compagnies d’assurance qui demandent, par requête, à être autorisées à assumer le service des rentes conformément à la présente loi ; mais une compagnie qui n’a pas fait un dépôt entre les mains du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial, conformément à une loi du Canada ou de la province, d’un montant estimé suffisant pour assurer l’exécution de ses obligations, ne peut être ainsi autorisée.

Indemnités incessibles et insaisissables.

12. Toutes les indemnités prévues par la présente loi sont incessibles et insaisissables, mais le chef d’industrie pourra retenir sur le montant de l’indemnité toute somme à lui due par l’ouvrier.

Retenues sur les salaires, prohibées.

13. Les indemnités déterminées aux articles qui précèdent sont à la charge exclusive du chef de l’entreprise, lequel ne peut faire aucune retenue sur les salaires, de ce chef, même avec le consentement du salarié.
SECTION II

DE LA RESPONSABILITÉ

Application du droit commun.

 

 

 

Effet de l’indemnité, etc.

14. Indépendamment de l’action résultant de la présente loi, la victime on ses représentants conservent, contre les auteurs de l’accidents, autres que le patron ou ses ouvriers et préposés, le droit de réclamer la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun.

L’indemnité qui leur est accordée exonère à due concurrence le chef d’entreprise des obligations mises à sa charge. Cette action contre les tiers responsables peut même être exercée par le chef d’entreprise, à ses risques et périls, aux lieu et place de la victime ou de ses ayants droit, si ceux-ci négligent d’en faire usage après mise en demeure.

Chef d’entreprise n’est tenu qu’aux réparations déterminées par cette loi.

15. Les dommages résultant des accidents survenant par le fait du travail ou à l’occasion du travail dans les cas prévus par la présente loi, ne donnent lieu, à charge du chef d’entreprise, au profit de la victime ou de ses ayants droit, tels que définis à l’article 3 de la présente loi, qu’aux seules réparations déterminées par -cette loi.

Montants payés par cies d’ass.

16. Tous montants payés par une compagnie d’assurance ou une société de secours mutuels, sont imputés en déduction des sommes et rentes payables en vertu de la présente loi, jusqu’à due concurrence, si le patron justifie qu’il avait pris à sa charge les cotisations ou primes exigées pour cet objet. Mais l’obligation du patron continue si la compagnie ou société néglige ou devient incapable de servir l’indemnité à laquelle elle est tenue.

Ouvriers travaillant seuls.

17. Les ouvriers qui travaillent seuls d’ordinaire ne peuvent être assujettis à la présente loi par le fait de la collaboration accidentelle d’un ou de plusieurs autres ouvriers.

Examen par médecin.

18. La victime est tenue, si le chef d’entreprise l’exige par écrit, de subir un examen fait par un médecin pratiquant, choisi et payé par le chef d’entreprise, et, si elle refuse de se soumettre à cet examen ou s’y oppose en aucune façon, son droit à l’indemnité, ainsi que tout recours pour le mettre à effet, reste suspendu jusqu’à ce que l’examen ait lieu.

La victime, dans ce cas, aura toujours le droit d’exiger que l’examen soit fait en présence d’un médecin de son choix.

Conventions dérogatoires sont nulles.

19. Toute convention contraire aux dispositions de la présente loi est nulle de plein droit.
SECTION III

DE LA GARANTIE

Privilège sur les biens meubles et immeubles.

 

 

 

 

Dans le cas d’incapacité permanente.

20. La créance de la victime de l’accident ou de ses ayants droit relative aux frais de médecin et aux frais funéraires, ainsi qu’aux indemnités allouées à la suite de l’incapacité temporaire de travail, est garantie par un privilège sur les biens meubles et immeubles du chef d’entreprise prenant rang concurremment avec la créance mentionnée au paragraphe 9 de l’article 1994 du Code civil.

Le paiement de l’indemnité pour incapacité permanente de travail, ou accident suivi de mort, est garanti, tant que l’indemnité n’a pas été payée on que la somme requise pour constituer la rente exigible n’a pas été versée à une compagnie d’assurance ou autrement payée en vertu de cette loi, par un privilège de même nature et de même rang sur les meubles et prenant rang sur les immeubles après les autres privilèges et hypothèques.

SECTION IV

DE LA PROCÉDURE

Compétence de la C. S. et de la C. de C.

21. La Cour supérieure et la Cour de circuit connaissent de toute demande et de toute contestation résultant de la présenté loi, conformément à la juridiction qui leur est attribuée respectivement par le Code de procédure civile.

Appel de révision.

22. L’appel et la revision des jugements qui en sont susceptibles doivent être interjetés dans les quinze jours de la date de leur reddition, à peine de déchéance. Ces appels ont préséance sur les autres.

Provision à la victime avant jugement, etc.

23. Le tribunal ou le juge peut, à toute phase de la procédure, avant jugement, ou pendant l’instance en appel, accorder, sur requête, une provision à la victime ou à ses ayants cause sous forme d’allocation journalière.

Abolition du procès par jury.

24. Le procès par jury est aboli dans toute cause en vertu de la présente loi ; mais les procédures sont sommaires et soumises aux dispositions du Code de procédure civile relatives à ces matières.

Prescription.

25. L’action en recouvrement des indemnités prévues par cette loi, se prescrit contre toutes personnes par un an.

Revision des indemnités.

26. Une demande en révision des indemnités, fondée sur une aggravation ou une atténuation de l’infirmité de la victime, est ouverte pendant quatre années à dater de l’accord survenu entre les parties, ou du jugement définitif. Cette demande est faite par action.

Autorisation préalable avant de recourir à la présente loi.

27. Avant d’avoir recours aux dispositions de la présente loi, l’ouvrier doit y être autorisé par un juge de la Cour supérieure, sur requête signifiée au patron. Le juge, sans enquête ni affidavit, doit accorder cette requête, mais peut auparavant employer tels moyens qu’il croit utiles pour amener une entente entre les parties. Si elles s’accordent, il peut rendre jugement conformément -à cette entente, sur la requête même et ce jugement a le même effet qu’un jugement final de la cour de juridiction compétente.

Entrée en vigueur.

28. La présente loi entrera en vigueur le premier janvier 1910, et ne s’appliquera ni aux causes pendantes ni aux accidents arrivés avant sa mise en vigueur.


Auteur:L'Assemblée législative (nationale) du Québec
Responsable(s):Stéphane Fontaine

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