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Manifeste du bloc populaire

Le 11 octobre 1942, le député Maxime Raymond annonce la fondation du Bloc populaire canadien. Ce parti, fondé en réaction au plébiscite sur la conscription, préconise l'adoption d'un programme inspiré par la doctrine sociale de l'Église. Actif sur la scène fédérale, le Bloc populaire met sur pied, quelques mois plus tard, une aile québécoise qui présentera des candidats lors des élections provinciales. En février 1944, au Congrès du Bloc populaire, Maxime Raymond nomme André Laurendeau au poste de chef du parti au provincial. C'est des suites de ce congrès qu'est réalisé le manifeste du Bloc populaire.

 

ÉDUCATION

L'éducation depuis quelques années fait chez nous l'objet de débats passionnants. Les corps publics des diverses cellules sociales ont les yeux tournés vers la jeunesse et cherchent en elle un espoir de redressement économique, social, national.

Si l'étude des spécialités indispensables au succès dans la vie s'impose avec force dans un monde en complète transformation, il n'en reste pas moins vrai que les valeurs strictement humaines, non seulement conservent leur utilité, mais restent la base inébranlable de toute éducation bien comprise.

Les congressistes sont unanimement d'avis que, dans le domaine éducationnel, il faut s'appliquer non seulement à enrichir les intelligences, c'est-à-dire à instruire, mais aussi et surtout à former le coeur, la volonté, le caractère de l'enfant, partant à faire passer nos écoles du stade de centre d'instruction au stade d'institution de formation humaine, à cultiver chez la jeunesse, à tous les paliers de l'enseignement, le sens économique, le sens social, le sens national, et le culte de la fierté française.

 

FISCALITÉ

Le congrès préconise:

LA FAMILLE

La pierre angulaire de l'édifice social est sans contredit l'institution familiale. Tout ce qui tend à sa conservation et à son développement travaille à la prospérité de la nation. Les pouvoirs publics ont trop négligé jusqu'ici ce principe fondamental d'ordre. Aussi la société est ébranlée dans ses bases.

Suivant une politique antichrétienne et antisociale, on est allé chez nous jusqu'à saboter systématiquement la famille, en arrachant la mère à son foyer pour la diriger vers l'usine. Le Bloc populaire canadien devra donc conformément aux principes posés par son chef M. Maxime Raymond, développer un système d'aide à la famille qui ne se contente pas d'allocations de chômage, mais qui commence par former une mentalité familiale en enseignant dès l'école le pourquoi de cette institution, en adoptant un vaste plan de colonisation coopérative, en faisant disparaître les taudis, en rehaussant les salaires, en mettant sur pied une puissante organisation d'hygiène sociale, en accordant des primes aux familles en adoptant un système d'allocations familiales qui compense l'insuffisance du salaire, malheureusement proportionné au rendement et non aux besoins de la famille.

  1. des réformes fiscales en vue d'alléger le budget familial;

  2. la décentralisation des taxes en vue de redonner aux provinces l'autonomie fiscale que lui garantit le pacte confédératif et tout spécialement les impôts sur les revenus individuels et corporatifs et les droits sur les successions;

  3. que le gouvernement provincial revise la fiscalité municipale et scolaire afin de fournir aux municipalités et aux corporations scolaires, les revenus suffisants pour remplir leurs obligations, principalement en partageant équitablement avec les municipalités et leurs corporations scolaires les revenus des impôts sur la gasoline.

 

PROBLÈMES DE L’ HABITATION

Le Bloc populaire canadien propose:

  1. De contribuer par tous les moyens à la disparition des taudis et des habitations malsaines et insalubres pour assurer à l'individu et à la famille une habitation digne des personnes humaines.

  2. Qu'un plan de réaménagement des habitations dans nos grands centres soit établi sans délai par un comité d'hygiène et d'urbanisme.

  3. Que la réalisation de ce plan soit poussée au plus tôt et soit comprise dans les grandes mesures prévues pour obvier au chômage après la guerre.

 

ASSURANCE-MALADIE

Le Congrès exprime le voeu:

  1. que le Bloc populaire canadien s'oppose à tout plan d'assurance-maladie d'origine fédérale et d'allure centralisatrice;

  2. que le B.P.C. suggère plutôt un plan d'assurance-maladie organisé par la province à l'intention exclusive des classes de la population qui en a besoin;

  3. que cette législation provinciale s'inspire de la mentalité, de la culture et des traditions de la province;

  4. que le B.P.C. s'oppose catégoriquement à la médecine d'État.

 

ORGANISATION SCIENTIFIQUE DES HÔPITAUX

Le Congrès exprime le voeu:

  1. que le ministère provincial de la Santé prenne conscience de sa raison d'être, et accomplisse la tâche qui lui est dévolue;

  2. qu'en vue de l'amélioration des services hospitaliers, une législation soit faite, après entente avec les universités et les hôpitaux, pour rendre adéquat le statut des médecins de l'Assistance Publique;

  3. qu'à cette fin, des fonds suffisants soient disponibles pour l'aménagement de nouveaux hôpitaux, et l'amélioration des hôpitaux déjà existants, avec attention particulière pour ce qui concerne la tuberculose, la syphilis, le cancer, les maladies infantiles, etc.

 

ALIMENTATION ET ÉDUCATION PHYSIQUE

Le Bloc populaire canadien propose:

Que l'état du Québec soit prié:

  1. d'enseigner par tous les moyens à la population comment s'alimenter sainement;

  2. de rendre l'éducation physique obligatoire sous la direction de moniteurs compétents;

  3. de créer une école normale d'éducation physique avec les immeubles et les terrains voulus;

  4. de monter une organisation d'État des loisirs avec personnel spécialisé.

 

LÉGISLATION OUVRIÈRE ET SOCIALE

Les délégués du Bloc populaire canadien réunis en congrès expriment le voeu:

  1. que le Bloc populaire revendique la souveraineté absolue des provinces dans la législation ouvrière et sociale. L'État fédéral ne doit avoir que des pouvoirs délégués, limités, transitoires et exceptionnels;

  2. que le Bloc populaire doit encourager la multiplication des écoles techniques d'arts et métiers, des centres d'initiative artisanale, et prendre tous les moyens possibles, notamment par des allocations, pour en faciliter l'accès à tous ceux qui sont aptes à suivre ces cours; cet encouragement devrait se poursuivre durant la période de temps nécessaire à la formation de réelles compétences;

  3. qu'il est nécessaire de payer aux professeurs de ces diverses écoles des salaires qui leur permettent de se consacrer exclusivement à cette carrière.

 

AGRICULTURE ET COLONISATION

Le Bloc populaire canadien préconise une vigoureuse politique d'agriculture et de colonisation pour l'établissement de la jeunesse en vue de l'après-guerre. Il est d'avis que le gouvernement provincial doit faire un relevé complet des fermes inexploitées autour des villes et des municipalités dans le but d'y établir des fils de cultivateurs. Quant à la colonisation, le Bloc populaire canadien tient à un système coopératif qui tienne compte de toutes les données modernes d'exploitation du sol et qui ait une ampleur suffisante pour répondre à tous les besoins de l'accroissement naturel de notre population.

 

OFFICE DE DÉFENSE ET D’EXPANSION FRANÇAISE

Les congressistes, réunis en assemblée plénière, voient la nécessité de créer immédiatement à Québec un Office de défense et d'expansion française, dont le rôle propre consisterait, non seulement à encourager le tourisme et à prendre la défense des Canadiens français au Canada et dans le monde, mais à répandre sous forme de tracts, cinéma, émissions radiophoniques, délégations à l'étranger, etc., la connaissance et les bienfaits pour l'humanité du fait français en Amérique.

 

LES COOPÉRATIVES

Selon l'expression même de M. Maxime Raymond, la montée du coopératisme dans notre vie économique est un phénomène encourageant. Le Bloc populaire canadien l'apprécie hautement et se propose de l'appuyer à fond par une législation appropriée, afin non seulement d'augmenter la puissance économique, des coopératives existantes, mais aussi d'amener la création de nouveaux organismes coopératifs, notamment dans le domaine du logement, de la construction, de la nourriture, du vêtement, du transport, en un mot, de tous les objets essentiels à la vie.

 

LES ABUS DES TRUSTS

La triste situation, dans laquelle se trouve notre peuple est dans une grande mesure imputable aux trusts.

Ceux-ci achèvent d'accaparer les richesses naturelles du pays, pratiquent sur une haute échelle la surcapitalisation ou le mouillage du capital, exploitent le consommateur, accumulent des profits scandaleux, spéculent honteusement sur les choses nécessaires à la vie, s'infiltrent par leurs créatures dans toutes les entreprises importantes, mettent en danger les libertés nationales en constituant un État dans l'État, exploitent l'ouvrier et retardent le progrès du pays, suppriment la concurrence enfin, et surtout, les trusts asservissent l'homme.

C'est pourquoi, les congressistes du Bloc populaire canadien, réunis en assemblée plénière, sont unanimement d'opinion que dans sa lutte contre les trusts, le Bloc s'inspire de la saine doctrine contenue dans les encycliques, à savoir "qu'il y a certaines catégories de biens pour lesquels on peut soutenir avec raison qu'ils doivent être réservés à la collectivité, lorsqu'ils en viennent à conférer une puissance économique telle qu’elle ne peut sans danger pour le bien public, être laissée entre les mains des personnes privées".

Les congressistes sont d'opinion qu'il doit y avoir nationalisation dans les cas extrêmes, et dans les autres, contrôle ou concurrence d'État.

 

DOCTRINE ÉCONOMICO-SOCIALE

Les congressistes du Bloc populaire canadien, réunis en assemblée plénière, affirment unanimement que le B.P.C. est le seul mouvement politique du Canada capable d'instaurer une politique de saine liberté, une politique de véritable démocratie, et une politique hautement familiale, parce qu'il professe sur le rôle économico-social de l'État une doctrine qui tient le milieu entre l'État capitaliste esclave du Trust de l'argent, et l'État socialiste, esclave de la bureaucratie, la doctrine du bloc s'inspire, du bien commun et réalise celui-ci par une harmonieuse conciliation de la liberté et de l'autorité.

Ce comité émet le voeu que le rapport présenté par Me Victor Trépanier et qui résume toute la philosophie du Bloc populaire canadien soit imprimé et propagé le plus largement possible.

 

APPEL A L’UNION

Le Bloc populaire canadien a été fondé, non pas pour diviser, mais pour unir tous les véritables Canadiens français du Québec et des autres provinces. Sa politique, comme l'a proclamé son chef, est procanadienne à Ottawa et procanadienne-française à Québec sans aucunement léser les droits des autres groupes de la population.

Pour réaliser sa doctrine et l'appliquer intégralement au milieu géographique, économique, culturel, national du Canada et du Canada français, le Bloc populaire canadien compte sur l'appui sincère, dévoué et désintéressé de tous les Canadiens soucieux de réparer les ruines accumulées par cinquante années d'imprévoyance politique et de restaurer la prospérité du Canada et du Canada français sur les bases solides de la famille chrétienne, d'une économie sainement canadienne, d'une sociologie inspirée par les plus hautes valeurs spirituelles et d'une politique profondément nationale à Ottawa et intensément française à Québec ...

 

Sources: Le Devoir, 7 février 1944; Jean-Louis Roy, Les Programmes électoraux du Québec, vol. 2, Montréal, Leméac, 1971, pp. 322-327 tiré dans Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa, Le manuel de la parole, manifestes québécois, Tome 2 1900 à 1959, Montréal, Éditions du Boréal Express, 1978, pp. 231-234.

Numérisé par Igor Tchoukarine, Université de Sherbrooke

 


Auteur:Le Bloc Populaire
Responsable(s):Stéphane Fontaine

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