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Manifeste laurentien

Se définissant comme des jeunes croyants et pratiquants, les Jeunes laurentiens composent ce manifeste, inspiré des thèse de L. Groulx, afin d'inciter la population canadienne-française à prendre en main son économie pour le bien de sa culture, sa vie sociale et politique.

 

Les Jeunes Laurentiens sont des catholiques croyants et pratiquants. En toute leur vie publique et privée, ils ne reconnaissent pour lois suprêmes que leur foi religieuse et la morale catholique. Ils confessent que la réalisation de leur programme, même sur le plan temporel, ne va pas sans l'acceptation d'une ascèse fondée sur le catholicisme.

Le Jeune Laurentien tend en droiture à l'action. Toute sa vie, même ses études, sont orientées directement en ce sens.

 

I- Dans le domaine économique:

Le Jeune Laurentien estime qu'un peuple ne peut rester asservi dans sa vie économique, sans graves dangers pour sa culture et pour sa vie sociale et politique. C'est le rôle naturel et c'est un droit pour un peuple que d'être maître chez soi.

Le Jeune Laurentien estime de même qu'un véritable relèvement économique des siens ne peut s'opérer que par la remise des richesses naturelles de la province de Québec au service de la collectivité. Par des moyens justes mais énergiques, le Jeune Laurentien entend que soit révolu, chez nous, le règne de la dictature économique.

Comme action immédiate, dans le domaine économique, l'Association des Jeunes Laurentiens se voue

  • A la ressaisie du pouvoir de consommateurs des Canadiens français, par la pratique de l'" Achat Chez Nous", surtout du système coopératiste en ses multiples formes;

  • A la ressaisie de l'épargne canadienne-française par l'encouragement aux caisses populaires, à la banque canadienne-française, à la compagnie d'assurance canadienne-française, aux mutualités;

  • A la valorisation de notre capital humain par l'établissement et par la multiplication d'écoles qui non seulement feront cesser l'impréparation technique du jeune employé canadien-français et augmenteront son potentiel de production, mais lui inculqueront la volonté de tenir dans la vie économique de sa province, un rôle de patron ou de maître.

 

II- Dans le domaine social:

L'Association des Jeunes Laurentiens s'inspire de la doctrine sociale de l'Église catholique. Elle emprunte en particulier ses directives aux encycliques Rerum novarum et Quadragesimo anno.

Elle veut se consacrer

  • A la restauration de la famille canadienne-française, base de tout notre avenir, en particulier: a) par le retour aux fortes traditions religieuses qui ont fait de la famille de chez nous une famille féconde et puissamment éducatrice; b) par le relèvement du salaire ouvrier, ce qui veut dire, par la disparition de cette iniquité sociale qui contraint l'ouvrier canadien-français ou à fonder des familles infécondes, ou à élever ses enfants selon un niveau inférieur de vie et dans des conditions hygiéniques anormales; c) par une attention toute spéciale accordée à la famille du milieu rural, famille qui constitue le plus fécond et le plus sain réservoir de la race;

  • L'Association des Jeunes Laurentiens entend combattre, dès maintenant, la violation du repos dominical et les graves abus du travail féminin dans les usines. Elle en appelle, sur ce point capital, à toutes nos autorités religieuses et sociales;

  • Elle donne son appui et son dévouement aux syndicats catholiques et nationaux, aux oeuvres patronales, à l'oeuvre du logement ouvrier salubre et des jardins ouvriers.

 

III- Dans le domaine national:

Les Jeunes Laurentiens adhèrent à la doctrine et à la mystique nationales définies par M. l'Abbé Lionel Groulx. Ils croient à la mission française de notre peuple et s'engagent à lui fournir les moyens d'accomplir sa haute destinée. En conséquence, ils réclament

  • Une école d'éducation nationale, c'est-à-dire une école (écoles élémentaires, collèges, couvents, universités) qui arme le jeune Canadien français et la jeune Canadienne française de toutes les puissances de leur culture et qui leur donne la volonté généreuse de s'associer à la mission de leur nationalité;

  • L'emploi de tous les moyens propres à affirmer, au Canada, dans les Amériques et dans le monde, la personnalité nationale et le vouloir-vivre des Canadiens français, en particulier:

  • Par l'usage fier de la langue française dans tous les domaines de la vie privée et publique;

  • Par la diffusion du drapeau national canadien-français (le fleurdelisé à croix blanche sur fond bleu royal), n'ayant de cesse qu'il ne soit arboré sur tous nos édifices publics, sur le toit de tous nos foyers, sur la poitrine de tous les nôtres;

  • Par la célébration régulière et enthousiaste de la fête nationale, dans tous les villages ou hameaux du Canada français;

  • Par l'embrigadement poussé à fond dans les sociétés patriotiques et par l'élimination progressive des sociétés suspectes qui anglicisent les Canadiens français en ne leur apprenant que le neutralisme national;

  • Par une prise de conscience plus vive de la mission du Québec, dans le Canada français, dans l'Amérique française, et dans tout le bloc latin du continent;

  • Par l'appel à la jeunesse féminine à seconder, dans toute cette croisade, l'effort de la jeunesse masculine;

  • Par la substitution du journal d'idées au journal de papier, c'est-à-dire par la propagande en faveur du bon journal, tout spécialement par la diffusion du quotidien le Devoir, le plus fier champion de la cause canadienne-française.

 

IV- Dans le domaine politique:

Parmi les groupes de jeunesse, les Jeunes Laurentiens assument cette originalité de ne pas se refuser à l'action politique.

Ils revendiquent, pour tout le Canada, la pleine autonomie prévue par le statut de Westminster.

Ils revendiquent, pour leur province, la pleine autonomie dans le cadre de la constitution fédérative, et même, si nécessaire, la suppression par des moyens constitutionnels de toute entrave au libre développement économique, social ou national du Québec.

Pour parvenir à ces fins, les Jeunes Laurentiens s'engagent à réclamer et à préparer

  • L'établissement d'une nationalité exclusivement canadienne;

  • L'élection au parlement fédéral, d'une députation québécoise qui ramènera la politique canadienne dans la tradition canadienne, au service des intérêts canadiens d'abord et par-dessus tout;

  • L'avènement à Québec d'un gouvernement de bien commun, libre de toutes les servitudes partisanes et de tous les despotismes financiers n'ignorant point, par conséquent, le caractère dominant du Québec qui est d'être, par les quatre cinquièmes de sa population, un pays canadien-français.

  • Les Jeunes Laurentiens réclament encore une " politique de coordination de tous les facteurs de la vie nationale ", et pour y parvenir, la formation d'un "Conseil politique", recruté parmi notre élite et qui soit une aide précieuse à nos dirigeants;

  • Les Jeunes Laurentiens entendent appuyer entièrement ceux qui travaillent à l'instauration d'une politique vraiment "nationale". Ils collaboreront de toutes leurs forces avec tous ceux qui énonceront et réaliseront leur idéal politique et national tel que décrit dans ce manifeste.

Pour la formation d'un groupe de l'Association, les Jeunes Laurentiens ne s'embarrassent point de cadres lourds ni compliqués. Un groupe peut naître avec trois membres: un président, un secrétaire, un trésorier. Il lui suffit d'adhérer au présent manifeste, se souvenant toutefois que toute orientation politique ou autre doit recevoir l'approbation du Conseil central et que tout groupe inactif ou indiscipliné est impitoyablement rayé des cadres de l'Association.

  • Tout groupe naît dans la paroisse et se greffe sur l'entité paroissiale;

  • Le groupe urbain s'emploie:

    • A susciter des oeuvres d'organisation économique et sociale; des coopératives de consommation, des caisses populaires, des syndicats ouvriers. Si ces oeuvres existent, il se fait leur propagandiste bénévole;

    • A susciter des oeuvres d'organisation nationale: sections de Société Saint-Jean-Baptiste, Cercles de Jeunes Laurentiens. Il se fait le propagandiste du drapeau national canadien-français, des revues de caractère national, du journal Le Devoir;

    • A éveiller la population et, en particulier les milieux de jeunes, au souci des intérêts nationaux, par des conférences et par la propagande du livre, de la brochure;

    • A organiser les loisirs des jeunes; encourager la pratique de tous les sports, surtout de grand air; susciter des équipes de gouret, de balle au camp, etc.

    Le travail d'un groupe de Jeunes Laurentiens dans les milieux ruraux.

    Il s'emploie à susciter ou à aider toutes les oeuvres des milieux urbains qui ont leur place à la campagne; spécialement les coopératives, les caisses populaires, les cercles de jeunes agriculteurs ou de jeunes éleveurs.

    En outre, il s'emploie:

    • A susciter, en accord avec l'autorité religieuse, des bibliothèques paroissiales;

    • A organiser l'orientation professionnelle des jeunes villageois et des fils de cultivateurs; à faire qu'ils soient dirigés vers l'école appropriée à leurs aptitudes; en particulier vers les écoles moyennes d'agriculture. Pour fournir aux jeunes gens pauvres les moyens de s'instruire, il organisera des parties de cartes, des quêtes publiques, considérant cette oeuvre comme aussi importante que toute oeuvre de bienfaisance;

    • A réveiller le sentiment national par la célébration de la fête de Dollar, de la Saint-Jean-Baptiste, en particulier de la Saint-Jean-Baptiste des Jeunes; par la formation de Cercles de Jeunes Laurentiens; par la diffusion du drapeau national; par le recrutement d'abonnements au Devoir ou au bon journal régional; par la résurrection des souvenirs historiques du petit pays;

    • A organiser les loisirs des camarades de la campagne, et par exemple, à remplacer les amusements en chambre (jeu de cartes, jeu de pool, fréquentation de taverne), par des sports de grand air;

    • A nettoyer les esprits des relents de vieille partisannerie politique et à les rallier à une politique nationale.

    En résumé, les Jeunes Laurentiens adressent leur appel à toute la jeunesse du Canada français. Ils la convient à l'action pratique sur tous les terrains, pour une ressaisie profonde de l'âme canadienne-française pour une VÉRITABLE RENAISSANCE NATIONALE, pour l'avènement d'un QUÉBEC LIBRE DANS UN CANADA LIBRE!...

    A la jeunesse de vouloir ce que Dieu veut !

    Dieu et Patrie...

    OSONS...

     

    Sources: Le Devoir, 3 décembre 1942, p. 6 tiré dans Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa, Le manuel de la parole, manifestes québécois, Tome 2 1900 à 1959, Montréal, Éditions du Boréal Express, 1978, pp. 207-210.

    Numérisé par Igor Tchoukarine, Université de Sherbrooke

     


    Auteur:Le mouvement des Jeunes laurentiens
    Responsable(s):Stéphane Fontaine

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