Le rapport Charest
Dans le contexte de l'Accord du lac Meech et du mécontentement des provinces de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba, le député conservateur, Jean Charest, qui préside le Comité spécial de la Chambre des communes, dépose un rapport, lequel contient les recommandations du Comité concernant Meech. Le dépôt de ce rapport entraînera la démission de son collègue Lucien Bouchard qui considère ce document comme une tentative de diminuer la portée de l'Accord du lac Meech. Démission qui servira d'exemple à d'autres députés québécois et qui mènera à la naissance du parti politique fédéral du Bloc québécois.
Le 17 mai 1990, le Comité spécial de la Chambre des communes présidé par le député Jean Charest présentait ses recommandations. Voici l'essentiel du rapport du Comité.
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Ayant examiné avec soin les diverses options, le Comité a tiré les conclusions suivantes:
1. Le Comité est d'avis que le délai du 23 juin 1990 est une réalité politique.
2. Le Comité reconnaît que, pour que les éléments de la résolution d'accompagnement que nous proposons puissent résoudre l'impasse du lac Meech, il faudra régler sans équivoque la question des "garanties".
3. À notre avis, c'est aux seuls premiers ministres qu'il incombe de négocier le processus et l'échéancier des révisions constitutionnelles supplémentaires. Nous croyons que nos recommandations pourraient jeter les bases d'un accord si les premiers ministres règlent dans les meilleurs délais la question de l'échéancier de ces révisions.
Le Nouveau-Brunswick voudrait que l'on ajoute, à la partie de l'accord touchant la dualité linguistique du Canada et la société distincte qu'est le Québec, un autre volet, à savoir la reconnaissance de ce que les communautés linguistiques anglophone et francophone du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et privilèges égaux. Un principe déjà énoncé dans une loi du Nouveau-Brunswick serait ainsi constitutionnalisé.
4. Le Comité estime que la clause concernant l'égalité des deux communautés de langue officielle du Nouveau-Brunswick a sa place dans une résolution d'accompagnement.
5. Parallèlement, le Comité souscrit à la proposition du Nouveau-Brunswick visant à reconnaître à l'assemblée législative et au gouvernement du Nouveau-Brunswick un rôle dans la protection et la promotion de l'égalité du statut, des droits et des privilèges des deux communautés de langue officielle de cette province.
L'Accord du lac Meech reconnaît au Parlement le rôle de protéger l'une des caractéristiques fondamentales du Canada: la dualité linguistique. Dans sa résolution d'accompagnement, le premier ministre McKenna propose de lui reconnaître aussi le rôle de promouvoir la dualité linguistique.
Les constitutionnalistes que nous avons interrogés sont unanimes à penser que la promotion de la dualité linguistique, telle que proposée, se limite aux sphères de compétence fédérale. Les minorités de langue officielle qui ont témoigné devant nous sont parfaitement d'accord là-dessus.
Bien que le rôle de promotion proposé par le premier ministre McKenna soit déjà prévu par la nouvelle Loi sur les langues officielles (L.R.C. 1985, 4e suppl. ch 31), le Comité se rend à l'argument que lui ont souvent fait valoir les minorités de langue officielle, à savoir que, même si la clause relative à la promotion n'ajoute rien sur le plan juridique, elle exercerait sur eux un effet dynamisant.
6. Le Comité appuie la clause de la résolution d'accompagnement du Nouveau-Brunswick qui reconnaît au Parlement et au gouvernement du Canada le rôle de promouvoir la dualité linguistique du Canada.
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9. Le Comité est d'accord avec la position du Nouveau-Brunswick et des territoires sur la création de nouvelles provinces et recommande qu'il en soit question dans une résolution d'accompagnement.
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10. Le Comité souscrit à la suggestion des dirigeants des groupes autochtones et recommande qu'une résolution d'accompagnement prévoie un processus distinct de conférences constitutionnelles ayant lieu tous les trois ans. La première de ces conférences devrait être convoquée au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la résolution.
Dans sa résolution d'accompagnement, le Nouveau-Brunswick, en ce qui concerne l'article 16 de l'Accord du lac Meech, traite de la préoccupation exprimée par les groupes de femmes et d'autres défenseurs des droits à Inégalités à savoir que la clause de la société distincte l'emporte sur la Charte.
Les répercussions de la clause de la société distincte sur l'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés font l'objet d'un débat. Il ressort des témoignages des juristes que le Comité a interrogés qu'il s'agit plutôt d'une affaire de perception. Par exemple, M. Roger Tassé, c.r. juriste et expert en matière constitutionnelle, ancien sous-ministre de la justice sous le gouvernement libéral à l'époque de l'adoption de la Charte, la conseillé le gouvernement actuel au moment des discussions à l'édifice Langevin. Voici ce qu'il nous a déclaré:
"La raison en est que la clause de la société distincte comme la clause de la dualité canadienne qui en fait partie intégrante - est une clause interprétative qui ne change en rien la dynamique de la Charte des droits et les protections qui y sont garanties. Dans le cadre de la Charte, cette clause n'a véritablement de portée que dans la mise en oeuvre de l'article 1 - cet article, vous vous le rappellerez, qui stipule que les droits et libertés garantis par la Charte ne peuvent être restreints que dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Un test d'une grande rigueur rendu encore plus ardu par les arrêts subséquents de la Cour suprême.
"Personne n'a jamais prétendu sérieusement que les droits et libertés garantis par la Charte étaient absolus. L'article 1 stipule les conditions dans lesquelles ils peuvent être restreints. je vous demande, en vertu de quel principe la situation particulière des francophones comme groupe minoritaire au Canada, en Amérique, devrait-elle être exclue du champ d'application de l'article 1? Les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada dans la célèbre affaire de l'affichage, ont déjà accepté de tenir compte de cette situation avant même l'adoption de l'Accord du lac Meech.
"Les droits et libertés garantis par la Charte ne sont nullement compromis par la clause de la société distincte et, à mon avis, l'adoption de cette clause ne ferait que confirmer que la société distincte du Québec constitue une donnée légitime à être prise en considération dans l'application de l'article 1."
Certains premiers ministres ont eux-mêmes abondé en ce sens. Lorsqu'ils interprètent notre Constitution, les tribunaux donnent du poids à de telles déclarations.
11. Par conséquent, le Comité recommande que les premiers ministres déclarent dans une résolution d'accompagnement que l'application de la clause de la caractéristique fondamentale, à savoir la dualité linguistique et la société distincte ne diminue en rien l'efficacité de la Charte. En tant que clause interprétative, elle s'applique conjointement avec la Charte et ne compromet pas les droits et libertés qui y sont garantis. Cette résolution d'accompagnement devrait aussi stipuler que les clauses qui reconnaissent des rôles au Parlement et aux législatures provinciales n'ont pas pour effet de leur conférer des pouvoirs législatifs.
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14. Le Comité est d'avis qu'une résolution d'accompagnement qui ajoute, sans retrancher, à l'Accord du lac Meech a les meilleures chances de résoudre l'impasse constitutionnelle actuelle.
15. Le Comité recommande que, avec les modifications et les ajouts proposés dans le présent rapport, la résolution d'accompagnement du Nouveau-Brunswick serve defondement aux premiers ministres et au pays pour sortir de l'impasse constitutionnelle.
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18. En ce qui concerne la reconnaissance des peuples autoclitoties et de notre patrimoine multiculturel, nous encourageons les premiers ministres à reconnaître ces aspects fondamentaux du Canada dans le corps de la Constitution.
Par conséquent, comme l'a proposé le groupe de travail du Manitoba:
19. Nous recomniatidons que le premier ministre du Canada invite les représentants élus des gouvernements du Territoire du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest à participer aux discussions portant sur tout article de l'ordre du jour d'une conférence constitutionnelle des premiers ministres qui, de l'avis du premier ministre, touche directement le Territoire du Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.
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