Nomination de Philippe Landry à la présidence de l'Association d'éducation de l'Ontario

Philippe Landry, sénateur fédéral |
L'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario milite notamment contre le règlement 17, interdisant l'enseignement du français dans les écoles ontariennes. Sa présidence est offerte au président du Sénat fédéral, le conservateur Philippe Landry , qui l'accepte malgré les tollés.
En mars 1886, Philippe Landry avait présenté une motion de blame contre l'exécution de Louis Riel. En 1915, il accepte la présidence de l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario. Cette association mène une lutte contre le règlement 17, une mesure discriminatoire à l'endroit des francophones qui interdit l'enseignement du français plus d'une heure par jour et qui prohibe l'utilisation du français pour l'enseignement des autres matières scolaires. En acceptant ce poste, le sénateur Landry s'expose à la critique. Les Conservateurs anglophones n'apprécient guère son geste et les Ontariens voient d'un mauvais oeil la nomination d'un Québécois à la tête de cette organisation. Landry sait cependant que sa nomination donnera du lustre aux revendications des Canadiens français qui vivent à l'extérieur du Québec. Les Franco-Ontariens manifestent d'ailleurs leur enthousiasme. Pour Landry, la défense des minorités est une cause primordiale. Il déclare à ce sujet : «Nous ne demandons pas à un parti politique quelconque de prendre notre cause sous sa protection. Au contraire, nous demandons à tous, conservateurs comme libéraux, Canadiens français comme Anglais, Écossais comme Irlandais, catholiques come protestants, de ne pas se servir de cette question pour s'en faire une arme dans les élections fédérales prochaines (...) Les Canadiens français de l'Ontario demandent donc à tous les électeurs canadiens-français vraiment dignes de ce nom de ne pas permettre aux candidats qui sollicitent leur vote aux prochaines élections de traîner cette question dans l'arène politique. Landry reçoit les félicitations d'Henri Bourassa qui écrit: «La manifeste de l'Association met fin à ces deux entreprises [utilisation électorale du règlement 17 par les Conservateurs et les Libéraux], également odieuses (...) Mais si la cause de la minorité française de l'Ontario n'est pas et ne devrait pas être traînée dans le cloaque électorale, elle est et doit rester dans le domaine de l'action nationale. Plus que jamais, les Canadiens français du Québec... non, les vrais Canadiens, dans toute la Confédération, doivent soutenir cette cause de leur appui moral et matériel. Ne l'oublions pas, ou, plutôt, tâchons de nous en persuader: c'est tout le problème de la langue et de la survivance française qui se pose dans l'Ontario. Pour le Canada, pour l'Amérique entière, ce n'est pas sur les champs de bataille de l'Europe que cette survivance sera maintenue ou éteinte. Que la France soit victorieuse ou vaincue, qu'elle reprenne l'Alsace-Lorraine ou qu'elle perde la Champagne, ce ne sont pas les armées prussiennes et la Kultur germanique qui décideront de notre sort. C'est nous mêmes. Les ennemis de la langue française, de la civilisation française au Canada, ce ne sont pas les Boches des bords de la Spree; ce sont les anglicisateurs anglo-canadiens, meneurs orangistes ou prêtres irlandais. Ce sont surtout les Canadiens français aveulis et avilis par la conquête et par trois siècle de servitude coloniale. Qu'on ne s'y méprenne pas: si nous laissons écraser la minorité ontarienne, ce sera bientôt le tour des autres groupes français du Canada anglais.»