Le local Scout (NDPS)
Inauguration du local Scout de la paroisse Notre-Dame du Perpétuel-Secours à Sherbrooke.
Le local Scout Au coup de sifflet, la Troupe, en formation de fer à cheval, vis-à-vis son chef, se figeait au garde-à-vous. Une Troupe se ressent de la discipline militaire de son fondateur Baden-Powell. Aux quatre coins de la salle paroissiale, les patrouilles des Aigles, des Renards, des Cerfs et des Bisons, énumérés dans leur ordre chronologique, fixèrent leur aire. Jean Rioux ne prisait pas outre mesure l'atmosphère brasillante de la salle fraîchement peinte dont le plafond, à grands frais, avait été recouvert durant l'automne de 1954 de tuiles acoustiques. Selon lui, pour les Scouts, la salle était trop chic, trop salon. Néanmoins, il a été effarant de voir la quantité de branchages, de jute et de vieilles vessies de pneus qui est entrée dans la salle, sans mentionner le bric-à-brac des antiquités tirées de quelque grenier bisaïeul. Denis Pinel, le deuxième chef en exercice, se mit presque à invectiver contre le local de la salle paroissiale pour les mêmes motifs que Jean. N'y aurait-il point, se demandait-il, un appartement quelconque, hors d'usage, dans le monastère, où les Scouts donneraient de la corde à leur initiative et bricoleraient à leur goût sans crainte de détériorer quoi que ce fût. Le seul appartement, ou plutôt l'unique réduit, hors d'usage comme hors de portée, en rupture de service dans notre couvent, était l'ancienne soute à charbon. L'aumônier en fit une description si macabre que tout autre que Denis en aurait eu la chair de poule. Là-dedans, la poussière se déplaçait en rafale et saupoudrait les amateurs de cavernes d'une substance qui rendait nègres ceux qui y pénétraient blancs. Les araignées y faisaient du trapèze d'une lambourde à l'autre, tandis que cloportes et scolopendres se prélassaient dans les crevasses du plancher. Denis n'en fut pas bridé une diable de seconde. Il voulait voir de ses yeux. Et quand il eut vu, à l'ébahissement de son guide, il s'écria dans la béatitude d'un monde découvert : « Voilà le local qu'il nous faut. » Le Père Curé ne chanta pas sur ce ton. Cette affaire, de prime abord, lui sembla une pure chimère, et, pour la submerger dans les profondeurs, il lui attacha à la patte ce boulet : « Jamais je ne pourrais consentir à ce que les Scouts se rendissent à cet endroit en passant par la cave aux fournaises. » Cent pour cent de cet avis, l'aumônier applaudissait. Bien loin d'en être stoppé, Denis avait plus d'élan que jamais. Il chargea sur le projet avec une détermination farouche. On aurait juré que son programme de chef était caché dans la soute. Le Père Curé qui avait étudié la possibilité de frayer une entrée à travers les fondations, se mit à broncher un peu. Dynamique et entreprenant, il savourait visiblement la tenace conviction d'un jeune qui voulait faire quelque chose ; mais, avant de donner son placet final, il remit l'option au jugement des parents. Un après-midi de décembre 1959, à la file indienne, les Pères Curé et Tremblay, MM. Paul LeProhon, Henri Bélanger, Jules Lemieux et le chef, se dirigeaient vers les catacombes. Là, personne ne jugea bon de se découvrir. M. Bélanger avec son cigare, le chapeau renversé en arrière, laissait deviner, aux replis de son front, l'énigme de ses sentiments ; M. Lemieux n'était guère plus en verve. Gesticulant et plaquant ses arguments sur les murs comme des coups de pinceau, M. LeProhon fit basculer la balance du côté de Denis ; le feu rouge passa au vert. Pendant que M. Albert Poulin traçait les plans de l'escalier et du couloir qui débouche dans le nouvel empire, M. LeProhon, le Père Lebel et les Scouts, à tour de rôle, armés d'une foreuse électrique, s'attaquaient aux fondations du béton et des pierres anti-diluviennes. Ils mirent une semaine à préparer la percée et à enlever la terre entre les assises de la chapelle et celles de son vestibule, l'espace rigoureusement supputé au pouce pour un escalier en tire-bouchon. En l'espace d'un mois, mineurs, charpentiers, peintres, plombiers, électriciens métamorphosèrent le hangar à houille au point de lui donner l'aspect rustique, le climat champêtre de l'aventure scoute. M. LeProhon, protecteur, entraîneur et arbitre de la Troupe, avait, par multiplication de dévouement, mené à si bon port les patrouillards qu'il n'hésita point à inviter S. Exc. Mgr Cabana à bénir le local. Quand on songe aux antécédents de ce local, la date de sa bénédiction, le 10 mars 1960, vaut d'être retenue. Ce local aura donc attendu cinquante ans pour être à l'honneur. Mais même s'il est extrait de l'ancien carré à charbon et se classe encore dans la catégorie des bas quartiers, son allure de jeunesse lui donne la fierté d'être aussi beau que bien d'autres.