Dévoilement par le gouvernement québécois d'un projet de Charte des valeurs québécoises
Le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, dépose un projet de Charte des valeurs québécoises. Elle suscite rapidement de fortes réactions au sein de la classe politique ainsi que de la population qui s'intéresse vivement à ce débat.
En 2007-2008, la Commission Bouchard-Taylor avait été mandatée pour se pencher sur les pratiques d'accommodement liées aux différences culturelles. Les cas d'accommodements fondés sur la pratique religieuse avaient suscité de nombreuses interventions lors des audiences publiques, révélant la présence d'un certain malaise dans la société québécoise. Le rapport final du sociologue Gérard Bouchard et du philosophe Charles Taylor prévoyait 37 recommandations afin de clarifier cette question, notamment l'établissement de nouvelles balises pour encadrer les accommodements et l'interdiction du port de symboles religieux pour certains agents de l'État en position de coercition (policiers, juges, etc.). Un projet de loi sur les accommodements raisonnables dans l'administration publique est préparé sous le gouvernement libéral de Jean Charest, mais il n'aboutira pas. Un an après leur arrivée au pouvoir, en septembre 2013, les péquistes de Pauline Marois relancent le débat. Le ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, dépose un projet de Charte des valeurs québécoises qui, en cinq propositions principales, aborde directement les questions traitées par la Commission Bouchard-Taylor. Parmi les plus importantes, on retrouve une modification à la Charte québécoise des droits et libertés afin d'y inscrire la neutralité religieuse de l'État et le caractère laïque des institutions religieuses. On mentionne aussi l'intention du gouvernement de baliser les accommodements religieux en reconnaissant la priorité au principe de l'égalité hommes-femmes. Un des aspects les plus litigieux est le maintien du crucifix dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, considéré par les défenseurs du projet de Charte comme faisant partie du « patrimoine historique ». Le sujet le plus discuté est toutefois la proposition d'interdire le port de symboles religieux ostentatoires à l'ensemble des employés de l'État, incluant par exemple les fonctionnaires, les professeurs, les travailleurs en garderie ou en milieu hospitalier. Malgré un possible droit de retrait pour 5 ans aux institutions qui en feront la demande, ce volet de la Charte avive les débats. Les leaders de plusieurs partis politiques provinciaux et fédéraux le jugent sévèrement, le considérant comme une atteinte aux libertés individuelles. Des critiques viennent même de sympathisants péquistes, comme la députée du Bloc québécois Maria Mourani qui sera expulsée du caucus de son parti dont elle démissionnera. La Charte bénéficie aussi d'appuis de la part de personnalités publiques adhérant à ses dispositions. Des marches sont organisées par des partisans et des opposants au projet, alors que celui-ci est débattu sur toutes les tribunes. La dimension politique de cette Charte n'échappe pas non plus aux analystes, puisque pour la faire adopter comme loi, le gouvernement, qui est minoritaire, devra rallier un des partis d'opposition. Or, tous s'opposent à au moins un de ses volets. Plusieurs hypothèses sont envisagées afin de dénouer l'impasse, dont la tenue d'élections précipitées qui pourraient même se tenir avant la période des Fêtes.